Le bulbul orphée (appelé merle maurice ou condé, à La Réunion) est l’espèce la plus nombreuse de l’île avec environ 1 500 000 individus*. Elle est présente du bord de mer aux montagnes et dans, presque, tous les milieux. Autrement dit : partout où vous êtes, vous pouvez l’entendre chanter.
Pourtant, cet oiseau est une espèce exotique qui a été introduite. Alors, comment en est-on arrivé là ?
Je vous explique les étapes de l’installation d’un oiseau sur l’île et plus particulièrement celle du condé.
Arrivée sur l’île : Les pionniers ailés
Le bulbul orphée est un oiseau vivant en Asie. Mais vers 1892, il arrive à l’île Maurice dans des cages pour la beauté de son chant et de son plumage. Pourquoi nos voisins mauriciens profiteraient de sa compagnie et pas nous, réunionnais ? Qu’à cela ne tienne, c’est vers 1972 que le condé débarque à La Réunion. Rapidement, certains individus s’échappent de leur cage, et ajoutons à cela, des propriétaires peut scrupuleux décident de s’en débarrasser en les libérant dans la nature. La bombe à retardement est lâchée.
A contrario et bien avant l’arrivée de l’homme, d’autres espèces d’oiseaux sont arrivées toutes seules sur l’île, portées, par exemples, par des cyclones qui sont passés à Madagascar. Ce sont des oiseaux indigènes.
La colonisation
La première étape est l’exploration des milieux. Les oiseaux doivent d’abord trouver un habitat approprié pour se nourrir, se reproduire et se protéger des prédateurs. Pour le merle maurice, la chose est aisée car il est opportuniste et il se nourrit de tout. De plus, sur l’île, il n’a pas de prédateur direct. Les oiseaux peuvent donc s’installer dans divers types de milieux, en fonction des ressources disponibles.
Reproduction et augmentation de la population
Avec de telles conditions favorables, le bulbul orphée commence à établir des territoires. Il délimite des zones où il va chercher de la nourriture, construire des nids et élever leurs jeunes. Cette phase est cruciale pour assurer la survie de l’espèce sur l’île. Il pourra se reproduire, soit avec un individu s’étant échappé en même temps que lui, soit avec un oiseau arrivé par la suite.
La progéniture issue de ces unions représentera la deuxième génération.
Avec des ressources suffisantes et des prédateurs limités, la population de merle maurice commence à croître. Les individus peuvent se reproduire avec succès et les jeunes oiseaux peuvent survivre pour atteindre l’âge adulte, contribuant ainsi à l’expansion de l’espèce.
Adaptation et diversification
Au fil des générations, l’espèce va s’adapter aux particularités de son nouvel environnement insulaire. Cette adaptation peut se manifester par des changements physiques, comportementaux ou écologiques.
Ainsi, le bulbul orphée peut développer de nouvelles techniques de chasse, de recherche de nourriture, modifier les interactions avec d’autres espèces présentes sur l’île, ou encore, occuper une niche écologique différente de celle des oiseaux d’Asie.
Ce n’est pas obligatoire, la preuve : le tisserin gendarme qui fait un nid bien particulier, pour échapper aux prédateurs dans son pays d’origine, continue à le construire de la même manière malgré l’absence de ses prédateurs à La Réunion.
Coévolution et interactions avec les espèces natives
L’arrivée d’une nouvelle espèce d’oiseau peut perturber l’équilibre écologique existant sur l’île, en influençant les populations d’oiseaux natifs et la dynamique des communautés végétales.
- Compétition: Le merle maurice est entré en compétition avec les oiseaux déjà présents pour les ressources alimentaires, les sites de nidification ou les territoires. Des études (en cours ou à venir) cherchent à définir son influence sur le merle péi (Bubul de Bourbon) et le chakouat / oiseau-la-vierge (Tchitrec des Mascareignes), tous deux endémiques de La Réunion.
- Prédation: Le condé est devenu un prédateur pour certaines espèces d’oiseaux indigènes (prédation signalée sur les œufs de Tarier de La Réunion), d’insectes ou d’autres petits animaux.
- Pollinisation: Il joue un rôle important dans la pollinisation et la dispersion des plantes invasives, contribuant ainsi à la modification de la flore insulaire.
Il est également bien connu par les agriculteurs et les habitants pour ses attaques sur les fruits et les bourgeons de fleur.
Diversification et spéciation
Dans certains cas, l’isolement géographique et la modification des ressources peuvent favoriser une diversification de la nouvelle espèce d’oiseau, menant à la formation de sous-espèces ou d’espèces distinctes. C’est le cas à La Réunion pour certaines espèces indigènes qui sont maintenant endémiques de l’île : tec-tec, papangue, merle péi, chakouat, oizo-vert… Et mieux encore, en fonction de la zone de l’île, on pourrait également avoir, un jour, des sous-espèces de l’oizo blanc (à lire ici).
L’introduction, volontaire ou non, d’oiseaux exotiques en milieu insulaire peut perturber fortement un équilibre naturel millénaire. On commence sérieusement à entendre parler du travailleur à bec rouge (quéléa quéléa), du rossignol du Japon (Leiothrix lutea) ou encore de la veuve dominicaine…
Je vous présente une espèce toute récemment introduite et j’ai la preuve en image qu’elle commence sa reproduction sur l’île : la tourterelle rieuse.
L’avenir nous dira quelle place elle va occuper dans l’avifaune réunionnaise.
*estimation SEOR 2020 : en compétition avec le cardinal (foudi de Madagascar) qui a peut être un léger avantage sur le nombre
Vidéo de présentation du merle maurice :
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fiche merle maurice sur le site de la SEOR
Si vous avez trouvé un oisillon, mettez-le en hauteur à l’abri des chats et ses parents viendront le nourrir.
Vous avez trouvé un papangue, un pétrel ou un autre oiseau marin, mettez-le dans un carton aéré sans le nourrir et téléphonez à la SEOR : 0262.20.46.65
Super, comme d’habitude
Je te remercie !!!